Le débat de société indispensable sur les véhicules autonomes

Jean-Louis Missika et Pierre Musseau publient un livre sur les véhicules autonomes destiné au grand public. Ce livre doit contribuer à faire émerger un débat de société indispensable sur la transformation de fond que nos villes vont vivre dans la décennie à venir.

Dans les conférences que je donne et mes autres échanges avec le grand public je suis toujours frappé par le décalage entre la perception citoyenne commune de la question des véhicules autonomes et le niveau de mobilisation de l’industrie automobile.

Du côté grand public les véhicules autonomes paraissent comme de la sciences fiction. Les gens ont énormément de mal à visualiser la réalité de la conduite autonome et à se projeter concrètement dans cette technologie.

Du côté des fabricants d’automobiles on est totalement engagé dans la révolution à venir. Les stratégies des uns et des autres sont totalement focalisées sur un monde dominé par l’autonomie de la conduite, la pensée est sophistiquée, les investissements sont immenses.

Ce combat est inégal et pose un véritable danger démocratique pour nos villes. C’est ce danger que Jean-Louis Missika et Pierre Musseau cherchent à addresser en publiant leur livre Des robots dans la ville.

Ce qui va se produire est prévisible. Le discours dominant actuelle sur la réalité lointaine de la conduite autonome et nos difficultés à comprendre les formes qu’elle prendra nous conduisent à ne pas nous saisir sérieusement du sujet. Jusqu’au jour où les opérateurs lanceront des services. Il sera alors trop tard : nous nous précipiterons pour mettre en place un cadre d’organisation et de régulation de cette technologie et nous nous apercevrons que nous avons des années de retard sur les opérateurs privés, que les choix structurant de notre avenir urbain auront déjà été pris par défaut sans que ni nous citoyens ni nos élus y aient pris part.

Les grand sujets, bien identifiés et exposés par Missika et Musseau, sont les facteurs structurants de la ville elle-même. La mobilité génère les formes urbaines et donc la révolution que nous nous apprêtons à vivre va être fondamentale dans la définition du monde urbain dans lequel nous allons vivre. Au centre de cela il y a la question du nouveau partage de l’espace – ce que j’ai même appelé un nouveau contrat social autour de la ville – et la gestion de l’espace notamment par rapport à l’étalement urbain.

Derrière cette question réside des questions essentielles. La première est sur la propriété de la donnée: tant que nous n’aurons pas mis en place des outils complets de maîtrise de la mobilité par la collectivité nous sacrifions notre capacité collective à gérer les évolutions de nos villes. La deuxième est celle du modèle économique, qui soulève des questions sur le stationnement et sur la paiement du service public de la route très bien résumés dans le livre.

Le grand intérêt de ce livre est d’être une source unique de tout ce que le citoyen parisien doit savoir sur la mobilité autonome. Il est donc à lire et à diffuser aussi largement possible. Mais si nous allons collectivement répondre au défi posé par cette immense révolution dans nos villes nous devons aller bien plus loin. Nous devons sur ce socle de connaissance mener un débat de société à grande échelle sur la ville que nous souhaitons dans le nouvel environnement qui arrive.