En tant qu’adjoint au Maire de Paris chargé de “Paris métropole” et des relations avec les collectivités territoriales d’Ile-de-France, Pierre Mansat est un acteur privilégié du débat sur la gouvernance de la métropole parisienne.
Pierre Mansat répond ici à mes questions sur les changements historiques en perspective suite à l’annonce le mois dernier par le premier ministre de la création d’une entité métropolitaine pour Paris.
Sachant que mes lecteurs sont majoritairement non-français, comment leur
présenteriez-vous l’importance du Nouveau Grand Paris présenté par Jean-Marc
Ayrault le 6 mars dernier ?
L’importance de l’annonce de Jean-Marc Ayrault c’est avant tout la réunification de 2 projets : d’une part un projet de transport, qui en associant le plan de mobilisation et le Grand Paris Express donne réellement à voir ce que sera le réseau de transport en 2030, et d’autre part le projet de gouvernance qui marque la naissance politique de la métropole.
Cette réunification est très importante, elle donne corps et rend lisible le projet de métropole. Jusqu’alors, le grand public pensait que le Grand Paris se résumait à un projet transport ; enfin, nous présentons un projet d’ensemble qui répond aux problèmes urgents de l’agglomération parisienne : le transport mais aussi le logement, l’urgence social…
Comment cette intention s’inscrit-elle dans l’histoire de Paris, marquée par la particularité d’une très grande fragmentation de la gouvernance de l’aire urbaine ?
Jusqu’au milieu du XXème, l’ensemble du territoire français était structuré suivant un même schéma : les communes, les départements, les régions. Face au développement rapide des agglomérations, les lois successives de 1966, 1999, puis les lois de décentralisation de 2004 et 2010, ont créé puis renforcé les EPCI, et ainsi répondu au besoin de gouvernance de la plupart des agglomérations françaises.
L’agglomération parisienne, à une échelle beaucoup plus importante, ne rentre dans la configuration qui s’applique aux autres métropoles françaises – la ville et sa banlieue formant une intercommunalité. Au contraire, les intercommunalités qui se constituent autour de Paris sont comme des contrepoids à Paris – ce qui n’est pas négatif, bien au contraire – mais il était urgent que l’agglomération parisienne fasse ensemble.
C’est pourquoi le nouveau projet de loi est historique, il répond enfin aux problématiques particulières de Paris : faire ensemble en respectant la polycentralité de la métropole parisienne. Je me réjouis que le gouvernement ait ainsi repris les propositions de Paris Métropole dans ce sens : compléter la carte des intercommunalités et créer une instance métropolitaine.
Quel sera selon vous le rôle des départements ?
J’ai toujours pensé que pour construire la métropole, il fallait fédérer les acteurs autour d’un projet commun. On n’écrase pas l’existant, on construit du nouveau à partir de lui. Certains diront que la métropole de Paris ajoute au millefeuille administratif, je ne le crois pas, je pense que les outils renforcés et créés – les intercommunalités, la métropole – sont les bons pour porter le projet auquel nous croyons collectivement pour la métropole : celui d’une métropole polycentrique, attractive et solidaire. Et s’il doit y avoir rationalisation entre les différentes structures administratives, elle se fera naturellement par la suite. Mais d’abord mettons le projet sur les rails !!
Au jour d’aujourd’hui, le département est l’échelon le plus efficace pour organiser l’action sociale. Dans l’avenir nous verrons bien, peut être effectivement que les intercommunalités pourraient se voir transférer cette compétence, mais aujourd’hui la carte des intercommunalités n’est pas encore finalisée, à ce jour nous avons besoin de tout le monde pour faire fonctionner la métropole de Paris.
Pensez-vous que Métropole de Paris sera une entité efficace et influente dans ses
attributions initiales? Comment voyez-vous son rôle évoluer par la suite ?
Toutes les fonctions d’une ville-monde ne peuvent pas être traitées par une seule structure, à une seule échelle. Ainsi, si vous considérez l’approvisionnement du bassin de consommation, problématique majeure d’une grande métropole, la logique veut que vous considériez le Grand Paris jusqu’à son port principal, Le Havre. Pour d’autres problématiques comme l’aménagement et le logement, il faut apporter des réponses à l’échelle de la zone dense pour être efficace, car c’est là que les besoins et difficultés sont concentrées. D’autant que, conscients des grands défis environnementaux, nous devons contenir l’expansion des métropoles. Je pense donc effectivement que la structure proposée dans le projet de loi, à l’échelle de l’unité urbaine et s’appuyant sur les intercommunalités, est pertinente pour ses attributions initiales : l’aménagement et le logement mais aussi la transition énergétique et l’urgence sociale.
Bien sûr, la structure évoluera encore, mais le dispositif proposé par le projet de loi est une étape indispensable dans la construction de la métropole parisienne. On pourrait effectivement imaginer qu’à terme les compétences de la métropole soient élargies, mais n’allons pas trop vite. Les défis à relever sur les problématiques ciblées dans le projet de loi sont déjà très importants ; et l’efficacité de la métropole dépendra aussi des outils opérationnels, et là-dessus nous avons encore beaucoup de travail.
Pouvez-vous commenter la nature des relations entre les collectivités locales de l’aire urbaine de Paris aujourd’hui et comment vous espérez les voir évoluer ?
Jusqu’à 2001 Paris ignorait ses voisins, les relations avec les communes voisines étaient déséquilibrées et l’image d’une relation hégémonique entre paris et ses banlieues était omniprésente. Avec B. Delanoë nous avons voulu rompre avec cette époque. Nous avons ainsi engagé de très nombreuses coopérations avec les collectivités franciliennes sur des problématiques variées. Nous avons parallèlement engagé un processus de construction collective : mis les collectivités autour de la table pour travailler ensemble à notre destin commun.
Les échanges qui sont ainsi nés, d’abord lors de la conférence métropolitaine en 2009, puis dans le cadre du syndicat mixte d’étude Paris Métropole, se sont faits sur un pied d’égalité – à Paris Métropole chaque collectivités vaut pour une voix – et toujours avec pour objectif d’améliorer la qualité de vie des habitants de la métropole. Cette méthode, ces objectifs, très différents du projet Grand Paris de Nicolas Sarkozy, font à présent consensus parmi les collectivités, et cela restera.
Par ailleurs, je pense que l’achèvement de la carte des intercommunalités de projet – ou des coopératives de villes – va permettre à chacun de trouver sa place, son rôle dans la métropole. Ce ne sera plus Paris et la banlieue, mais une trentaine d’entités qui composeront la métropole avec leur spécificité.
Pensez-vous que Métropole de Paris permettra réellement de combler le manque de
logements construits par rapport aux objectifs politiques ?
Les élus des collectivités de la métropole s’accordent tous sur la nécessité de construire plus de logements ; et même l’objectif chiffré de 70 000 logements par an est à présent communément repris, ce n’était pas le cas il y a encore pas si longtemps. Avec la création de la métropole de Paris au 1er janvier 2016, les conditions me paraissent donc réunies pour y parvenir.
Quels retours avez-vous eu de la part d’habitants et d’électeurs depuis l’annonce du Nouveau Grand Paris ?
Nous avons peu de recul, le 6 mars c’est très récent, et puis les annonces sur le réseau de transport ont beaucoup focalisé les débats… Par contre, au dernier trimestre 2012, Paris Métropole a organisé et animé dans toute la métropole une vingtaine de débats publics qui ont rencontré un grand succès : plus de 3 000 habitants ont ainsi eu l’occasion d’exprimer leurs attentes, leurs doléances et leurs espoirs sur le Grand Paris. Nous devons continuer dans ce sens, pour associer davantage les habitants dans le processus de construction du projet métropolitain.
En particulier, une fois la loi de de décentralisation consolidée, nous, élus, aurons un important travail pour expliciter la nouvelle organisation en Ile de France, et fédérer les habitants autour du projet.
Sur le même thème (en anglais):
The Struggle for a Bigger Paris
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